Nous sommes le 18 mars 1314. Le vent souffle sur l’île de la Cité, chassant les cendres vers un ciel plombé d’injustice. Ce soir, Paris est sourde et muette, murée dans l’attente du dernier cri du martyr. Autour du bûcher dressé sur l’eau, des ombres s’assemblent. Curieux, fidèles, bourreaux. L’un prie en silence, l’autre compte son or, un dernier hume la fumée qui monte.
Au centre du brasier, une silhouette se dresse. Les flammes n’ont pas encore mordu la chair, mais déjà elles s’enlacent à sa tunique souillée. Jacques de Molay, dernier Grand Maître de l'Ordre du Temple, regarde la foule sans trembler. Depuis ce vendredi 13 octobre 1307, jour de son arrestation, après 7 années de supplices, de souffrances et de tortures, son regard ne cherche ni pitié ni clémence, seulement l’écho d’un serment trahi.
Philippe LE BEL, le roi mercantile, l’a condamné dans l’ombre. Clément V, le pape soumis, a signé la sentence. Ils convoitaient l’or du Temple, ses secrets, son trésor. Voilà le crime. Mais ce n’est pas une simple chair que l’on brûle ce soir.
Alors que les flammes atteignent son corps, Jacques de Molay crie. Sa voix, pétrie d'une souffrance ineffable, perce comme un couteau dans la nuit :
"Pape Clément ! Roi Philippe ! Avant un an, je vous cite à comparaître devant le tribunal de Dieu ! Malheur à vous !”
Le silence tombe. L’air se fige. Le brasier rugit, dévorant les restes d’un monde qui s’efface. Mais les paroles du supplicié flottent encore, gravées sur les pierres du Pont-Neuf, murmurées par les flots de la Seine.
Lorsque moins d’un an plus tard, Clément V s’éteint en agonie, lorsque Philippe LE BEL tombe, foudroyé par le destin, un murmure parcourt la France : l'esprit du Temple a frappé.
Avec l'agonie du Grand Maître de ces moines-soldats qui avaient fait voeu de pauvreté et de chasteté, la civilisation occidentale amorçait son déclin.
Au-delà de l'héritage spirituel, les Templiers avaient élaboré un principe bancaire qui défiaient les usuriers de jadis. Ils prêtaient sans intérêts, considérant que l'argent représente le carburant de la créativité et non le but.
Ils avaient hissé le génie humaniste à son paroxysme.
Le martyr de Jacques de Molay signe le début d'une société fondée sur le mercantilisme effréné et sur l'inversion des valeurs fondamentales de la vie sociétale et spirituelle.
Désormais, les dogmes de la soumission allaient assujettir des hommes et des femmes en quête d'espérance.
Notre société ne cesse d'en subir encore les affres, produisant misère et aliénation.
Ce soir, en mémoire de leur défunt Grand Maître, les Templiers unissent leurs prières pour l'avènement d'un monde meilleur.
« Non Nobis, Domine, Non Nobis, Sed Nomini Tuo Da Gloriam. »
(Pas à nous, Seigneur, pas à nous, mais à Ton nom donne la gloire.)
Francis Stuck
Comentários