1. Pharaon : mi-dieu, mi-homme
Le régime politique de la société égyptienne est une monarchie entièrement fondée sur des principes religieux et sacrés, qui octroie à son gouvernant les mêmes prérogatives que celles accordées aux entités divines. Pharaon est le fils des dieux et l’interlocuteur privilégié entre les dieux et les hommes.
2. Origine du mot
Le mot « Pharaon » est la vocalisation hellénisante du terme égyptien « Per Aa ». Le mot « Per Aa » signifie « grande maison ». Cette grande maison était autrefois représentée par le « Serekh », symbole ovale qui entourait le nom de Pharaon quand on l’écrivait. A l’origine, le « Serekh » représentait effectivement la forme du palais de Pharaon avant de prendre sa forme ovoïde stylisée. Il était le chef, le propriétaire de la grande maison.
Le mot grec « Pharos » représente la lumière éclairante, celle qui illumine. Dans une religion ultérieure très proche géographiquement de l’Egypte, son prophète sera dénommé « lumière des croyants ».
Le mot « Per-Aa » désignait le palais royal mais ce n’est qu’à partir du règne de Thoutmosis 3 (v1479-v1425 av. J-C) qu’il ne s’est plus appliqué qu’à la personne du Roi.
3. Le successeur d’Horus
A l’origine du temps, le monde a été créé par un démiurge qui après avoir terminé son œuvre, prend les rênes du pouvoir et s’installe sur le trône terrestre. Cette période, où les dieux cohabitent avec les hommes sur terre, constitue l’âge d’or.
Les hommes finissent par se rebeller et le démiurge, fatigué et las, décide de se retirer dans les hauteurs célestes, cédant la royauté à ses descendants directs.
Horus est le dernier dieu à avoir occupé la fonction royale sur terre. Après lui, sa suite échoit à des demi-dieux, les suivants d’Horus, puis aux pharaons humains dont le 1er représentant est Némès ou Narmer.
Si le démiurge se replie, il ne se désintéresse pas pour autant de sa création, il la surveille de loin en déléguant l’exercice du pouvoir à un roi humain sur lequel il garde un vif ascendant.
Pharaon est le successeur de Horus et le représentant du démiurge.
4. Une légitimité divine
Aucune loi humaine ne détermine la légitimité de Pharaon. De coutume, la règle de succession privilégie le fils aîné du roi défunt. Dans l’idéologie égyptienne, c’est le dieu qui choisit son souverain et à qui il confie son empire.
Le démiurge jette son dévolu sur une femme et après avoir demandé à Thot de ratifier son choix, s’unit à elle en prenant l’aspect de son époux terrestre. De cette union naîtra Pharaon.
Hatshepsout, la reine usurpatrice, se plaira à raconter sa conception par les dieux.
Toute action et tout propos de Pharaon est donc d’inspiration divine. Quel que soit l’ordre royal prononcé, il est indiscutablement juste puisqu’il exprime la volonté du dieu.
On comprend mieux pourquoi aucun recueil de loi n’a jamais été découvert, même incomplet. Pharaon se réserve le droit de consulter les anciens écrits et ordres royaux, il n’a pas à se conformer à des textes de lois puisque c’est le dieu qui, au coup par coup, lui indique comment agir.
5. Fonctions et vie quotidienne
Pharaon est placé sur le trône de l’Egypte pour faire régner la Maât. Cette notion englobe la justice, la vérité, l’ordre cosmique et la confiance.
On ne peut pas comprendre l’Egypte ancienne sans assimiler le concept de la Maât, c’est le principe qui dirige et régit la vie de tous les égyptiens et pas seulement Pharaon.
La reproduction statuaire de Maât nous vient de la période ptolémaïque. Avant cette période, la Maât était représentée par une plume d’autruche en référence au tribunal du monde du dessous, présidé par Osiris, où l’âme du défunt était pesée par rapport à la plume de la Maât.
Pharaon est l’état dont il assure les principales fonctions. Il est le premier prêtre des temples, le chef supérieur de l’administration et le généralissime en chef des armées.
Pharaon est le seul personnage habilité à officier dans les temples, les prêtres n’assurent la pratique journalière du culte que par délégation royale.
Pharaon doit veiller au bien-être des dieux en entretenant leurs temples, en prodiguant des offrandes. En échange les dieux le comblent de ses bienfaits.
Pharaon contrôle l’ensemble de l’énorme machine que constitue l’administration, de la plus petite institution jusqu’aux grandes fondations royales. Tout tombe sous le coup de son autorité suprême. Il choisit et nomme le personnel même si l’hérédité des charges intervient dans les nominations.
Pharaon est le représentant du créateur et à ce titre, il n’hérite pas uniquement du territoire égyptien mais de l’univers tout entier. Il doit assujettir à l’ordre du monde toutes les nations étrangères dont il est le seul dépositaire légal. C’est pourquoi, il est le chef des armées. Les pays étrangers sont des vassaux et les adversaires des rebelles destinés à périr.
Tout appartient à Pharaon, les éléments lui obéissent et ses sujets le vénèrent car il sait assurer bonheur, richesse et protection.
Le concept de propriété est étranger à un égyptien, il cultive la terre que Pharaon veut bien lui laisser, c’est un don/prêt des Dieux.
6. Les attributs de Pharaon
Comme les dieux, il porte la queue d’animal attachée à la ceinture et la barbe postiche au menton. Comme Osiris, son lointain prédécesseur, il tient à la main le sceptre « heqa » et le fouet « nekhakha ». Son front est orné de l’œil de Rê, « l’uræus », cobra dressé.
Il porte le « Némès », coiffe striée à trois pans, soit il revêt une couronne choisie en fonction des circonstances : la couronne rouge de Basse Egypte « deshret », ou la couronne de Haute Egypte « hedjet », la double couronne « pschent », ou la couronne bleue à pois circulaire « khépresh ».
En guise de vêtement, il porte un simple pagne plissé retenu par une ceinture où sur la boucle apparaît un cartouche avec son nom. Si Pharaon est un dieu ou un demi-dieu, il a aussi une enveloppe terrestre et humaine, et le port du pagne rappelle son humanité.
Lorsqu’il vient à disparaître du monde des vivants, Pharaon ne meurt pas, il s’envole pour s’unir au soleil et pour s’assimiler aux dieux.
La vie du Pharaon s’écoule en rituels et en réunion à traiter et résoudre les problèmes du pays. Pharaon doit aussi s’adonner à l’exercice afin de donner à son corps terrestre toutes les chances de durer le plus longtemps.
7. La naissance
Pour l’accouchement, hors du commun, on fait appel aux déesses Isis, Nephtys, Meskénet et Héqet, ainsi qu’à Khnoum. En réalité, ce sont les prêtresses des différents temples qui servent d’accoucheuses.
Les invocations, les encens brûlés et les parfums répandus servent à rendre l’accouchement plus facile. En réalité, d’après des papyri médicaux, il semblerait que les encens brûlés et l’odeur des parfums provoqueraient une semi anesthésie de la parturiente, ce sont les prémices des premiers accouchements sous anesthésie.
Le papyrus « Rhind » (du nom de son découvreur) est un document qui énonce différents remèdes médicaux. La connaissance médicale, et plus particulièrement en gynécologie, des égyptiens anciens était très importante.
8. La prise de pouvoir
La théogamie reste le moyen le plus sûr pour légitimer une prise de pouvoir incontestable.
Les rites d’accession à la royauté se déroulent en 2 temps : l’avènement et le couronnement.
L’avènement se passe le jour du décès du prédécesseur par la prise de pouvoir réel du nouveau souverain. La datation d’un règne de Pharaon commence à cette période. Les égyptiens avaient compris qu’une vacance de pouvoir aurait pu provoquer des troubles.
Le couronnement du roi ne peut avoir lieu qu’après les funérailles du roi défunt, soit au minimum 70 jours après sa mort, laps de temps nécessaire à la momification. Le plus souvent, on attend une date généralement mise en relation avec un événement cosmique.
9. Déroulement de la cérémonie de couronnement
Le cérémonial commence à l’aube. Des prêtres viennent chercher le futur roi dans son palais et l’amènent à Karnak à l’entrée du temple pour lui donner une 1ère purification, le « baptême de Pharaon ». Ce rite s’effectue devant les hauts fonctionnaires du pays et doit être réitéré à chaque entrée solennelle dans un sanctuaire.
Des prêtres munis de masques d’Horus, de Thot, de Seth et de Dounânouy se placent aux quatre coins cardinaux. Ils encadrent le souverain revêtu d’un habit qui doit le protéger de toute agression et écarter le mal. Ils le lavent en lui versant sur la tête et les épaules une libation sacrée. Cette libation doit donner à Pharaon tout pouvoir sur la crue et d’augurer un règne prospère.
Le roi reçoit ensuite les neuf onctions sacrées, tout ceci accompagné de formules retraçant l’histoire de la genèse, du parcours solaire et des régénérescences divines.
Ensuite vient l’allaitement rituel, l’intronisation du roi est assimilée à une renaissance.
Les prêtres se tournent vers Isis pour invoquer sa protection comme elle le fit pour son fils Horus. La nature divine du roi est confirmée.
Le roi peut maintenant pénétrer dans le sanctuaire pour le rite de « l’imposition des couronnes ». Un officiant lui noue autour du cou une bandelette de lin rouge qui porte, tracées à l’encre, 30 couronnes rouges de Basse Egypte et 30 couronnes blanches de Haute Egypte avec de part et d’autre une effigie du dieu Ptah. Sur les cordelettes de l’étoffe, l’officiant confectionne autant de nœuds qu’il y a de couronnes.
Pharaon reçoit ensuite le diadème « seshed » auquel est fixé « l’uræus » et le bandeau « shesep » ; la croix « ankh » et le sceptre « ouas » ; le collier « meankh » ; les sandales pures de peau blanche et le bâton des pays étrangers qui sert à maîtriser les forces du mal.
Puis Pharaon reçoit les différentes couronnes.
Un scribe de la Maison de Vie annonce la titulature royale formée des cinq noms annonçant le programme de son règne : le nom d’Horus, le nom des deux maîtresses, le nom d’Horus d’or, le nom de roi de Haute et de Basse Egypte et le nom de fils de Rê. Une fois prononcé, ce protocole est adressé aux provinces du pays.
Pharaon est oint au ladanum, les prêtres lui remettent des amulettes prophylactiques. Avec de la gomme résine humectée de salive, on dessine sur la main du roi le signe « iaout » signifiant la fonction royale. Le roi avale le même emblème, modelé dans de la mie de pain, en l’absorbant on lui donne le pouvoir de gouverner.
Des prêtres offrent au roi une galette modelée avec des éléments minéraux et de la boue de la zone inondée des champs pendant que d’autres prêtres le couvrent d’insignes royaux et que d’autres font l’offrande de sept images divines façonnées avec de l’argile tendre.
A la tombée de la nuit, les officiants aménagent un lit dans le saint des saints du temple. Ils remettent au roi quatre sceaux, 2 au nom de Geb, 1 au nom de Neith et 1 au nom de Maât. Ces sceaux seront placés sous la tête du roi quand il sera couché.
Ce sommeil est sensé mimer une mort symbolique pour réapparaître à l’aube, renouvelé et régénéré.
Au matin, le roi est placé sur un trône construit sur une pierre, il doit poser sa main sur une galette d’humus et tenir dans son autre main un oiseau. Un officiant arrive avec un autre oiseau qui sera le messager d’Horus. L’oiseau de l’officiant est relâché et celui du roi lui servira d’oracle.
Le roi doit ensuite sentir et découper la tête de deux séries de 7 plantes en récitant des incantations, c’est le rituel de protection et de destruction des forces nocives.
De retour dans la Maison de Vie, le roi reçoit l’offrande de 9 oiseaux différents pendant qu’on lui accroche à son cou un faucon en or, un vautour en faïence et un chat en turquoise.
Puis dans une des cours sacrées, sous un perséa, les officiants inscrivent le nom du roi de Haute et Basse Egypte sur les fruits de l’arbre sacré. Ce rituel devra être renouvelé à chaque jour de l’an.
Les rites de couronnement prennent fin et le Pharaon sort de l’enceinte sacrée pour se présenter à la foule sur son char plaqué d’or.
Afin de rester en pleine possession de ces moyens, Pharaon fête son jubilé par une série d’épreuves physiques et de rites religieux, ce sont les fêtes Sed.
Frédéric de Villard–Aubaud