L’ayahuasca, préparation sacrée issue de traditions amazoniennes, propose une porte d’accès aux dimensions profondes de la conscience. Par son action transformatrice, elle reflète une alchimie intérieure, mobilisant symboles, histoire et biologie pour guider l’individu vers une transmutation personnelle et collective.
L’ayahuasca, souvent associée au serpent dans les cosmologies amazoniennes, symbolise la connaissance et la force transformatrice. Son nom, dérivé de « aya » (esprit, mort) et « huasca » (liane, corde), évoque une « liane des esprits » ou un « lien avec l’au-delà ». Cette image rappelle le caduceus hermétique, où les serpents entrelacés représentent les forces opposées s’unissant dans une harmonie alchimique.
Le breuvage, en ouvrant la voie vers des états de conscience élargis, engage l’individu dans une quête symbolique. Chaque vision, chaque expérience, devient une étape du Grand Œuvre, où dissolution, purification et illumination s’enchaînent. Cette symbolique trouve des parallèles avec l’alchimie occidentale, où la substance transformée agit comme un miroir de l’âme.
Les pratiques liées à l’ayahuasca plongent leurs racines dans des traditions ancestrales, notamment celles des peuples autochtones d’Amazonie. Utilisée dans des contextes rituels, cette préparation associe la liane Banisteriopsis caapi et les feuilles de Psychotria viridis. La combinaison active, notamment grâce à la DMT et aux inhibiteurs de la MAO, génère des états visionnaires.
Les chamanes, gardiens de ce savoir, voient l’ayahuasca comme un outil de guérison et de guidance spirituelle. Des anthropologues comme Michael Harner ou Jeremy Narby ont documenté ces pratiques, soulignant leur rôle dans l’organisation sociale, la guérison des maladies et la compréhension des interdépendances écologiques.
L’ayahuasca agit comme un catalyseur de transformation, engageant l’utilisateur dans un processus alchimique intérieur. Chaque étape du rituel, de la préparation au voyage visionnaire, reflète les trois phases principales du Grand Œuvre alchimique :
Nigredo (Œuvre au noir) : Le breuvage plonge souvent l’utilisateur dans des états de dissolution, où les peurs, les traumatismes et les illusions émergent pour être confrontés. Cette phase correspond à la « mort psychologique », préalable à toute renaissance.
Albedo (Œuvre au blanc) : Les visions apportent clarté et purification, permettant de réorganiser les schémas de pensée et d’ouvrir un espace de réflexion.
Rubedo (Œuvre au rouge) : L’illumination, obtenue après l’intégration des expériences, conduit à une harmonisation de l’être, symbolisant l’accomplissement.
L’ayahuasca pose des questions fondamentales sur la conscience, l’identité et la relation de l’homme avec le cosmos. En modifiant les perceptions habituelles, elle invite à reconsidérer la place de l’individu dans un tout plus vaste.
Des philosophes comme Aldous Huxley ou Terence McKenna ont exploré les substances visionnaires comme des « portes de la perception », ouvrant un dialogue entre l’esprit humain et les dimensions invisibles. Ce voyage, bien que personnel, s’inscrit dans une quête collective d’évolution, où la substance devient un vecteur de compréhension et d’interconnexion.
La DMT contenue dans l’ayahuasca active des récepteurs spécifiques dans le cerveau, notamment ceux liés à la sérotonine. Ces interactions modifient les schémas neuronaux, entraînant des visions complexes et une réorganisation cognitive. Des chercheurs comme Rick Strassman ont étudié ces effets, décrivant la DMT comme une « molécule de l’esprit », ouvrant un accès à des dimensions méta-réelles.
L’ayahuasca, en combinant les inhibiteurs de la MAO et la DMT, agit sur les processus chimiques du corps de manière unique. Ce mélange régule l’équilibre neurochimique, facilitant des états de conscience modifiés tout en générant des effets purgatifs souvent perçus comme libérateurs.
Ces effets, bien qu’intenses, permettent une reconfiguration des schémas physiques et psychiques, traduisant un équilibre restauré entre corps et esprit. Les recherches en psychopharmacologie, notamment celles de Dennis McKenna, confirment ces mécanismes, tout en soulignant leur potentiel thérapeutique.
L'ayahuasca ouvre l'accès conscient vers le champ morphique et l'infini de l'intrication de ses informations qui créent notre phénoménologie.
Il existe de nombreuses autres plantes et substances provoquant des états de conscience modifiés. Nous pouvons légitimement nous interroger quant à la réalité de la nature alchimique transmutatoire de ces substances.
Car la véritable transmutation alchimique libère l'esprit et le corps par une compréhension élargie de notre nature temporelle et des interactions phénoménologiques.
L'éveil construit et progressif de conscience avec l'accès au champ morphique et d'autre part des expériences hallucinogènes apparaissent comme deux démarches totalement distinctes.
Cela nécessite une mise en condition préalable car un éveil de conscience brutal chez un adepte non préparé peut engendrer des traumatismes et des troubles psychologiques voire psychiatriques profonds.
L'accès brutal à des champs d'information de réalité augmentée, où passé, présent et futur se combinent sans limite peut s'avérer extrêmement dangereux pour la santé mentale d'un adepte à la conscience non préparée. Mythomanie, schizophrénie et troubles psychologiques divers peuvent résulter de telles expériences.
Rappelons-nous des paroles sages des alchimistes de la voie cardiaque et mantrique qui précisent que l'éveil de conscience doit être un chemin progressif afin que l'esprit individuel puisse intégrer sans dommage cette élévation et cet élargissement des champs de perception.
L’ayahuasca, au-delà d’un simple breuvage, symbolise un outil alchimique puissant, capable de transmuter les états intérieurs et d’ouvrir des perspectives nouvelles sur la conscience humaine et cosmique. Par sa complexité et sa profondeur, elle révèle à l'initié conscient, un potentiel transformateur universel, reliant les dimensions biologiques, spirituelles et philosophiques de l’existence.
Francis Stuck
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