La conscience créatrice originelle, perçue comme une force matricielle constructrice, anime l’univers dans un mouvement perpétuel d’expansion positive et de transformation. Elle a toujours existé et existera toujours et représente la cause formative ultime à l'origine de tout. Chaque élément vivant de la temporalité dispose d'une étincelle de cette conscience créatrice. Ce principe, semblable au concept du Logos chez les stoïciens, établit une trame invisible reliant toutes les formes de vie. Chaque acte, chaque pensée, chaque instinct inscrit son empreinte dans ce réseau vivant, formant un champ morphique en constante évolution, selon les termes de Rupert Sheldrake.
Dans ce cadre, l’instinct de survie des espèces, loin d’un automatisme brut, agit tel un catalyseur. Henri Bergson, dans L’Élan vital, soulignait ce rôle d’une impulsion créatrice qui traverse et transcende les êtres. Cette force, ni linéaire, ni prédéterminée, se réinvente sans cesse, guidant les interactions selon des lois subtiles, mais non figées. Symboliquement, cette conscience pourrait s’apparenter au Phénix, oiseau mythique renaissant de ses cendres, représentation universelle d’un cycle infini de vie et de création.
Dans les traditions antiques, la conscience créatrice s’inscrit au centre des récits mythologiques. Les cosmogonies grecques, par exemple, placent Chaos comme origine de l’univers, mais un Chaos porteur de potentialités, non de désordre. Plus tard, les penseurs de la Renaissance, tels que Giordano Bruno, ont repris cette idée en insistant sur l’infinité des mondes possibles et leur dynamique créative.
Au XXème siècle, la science a reformulé ces intuitions par l’étude des systèmes complexes et des lois d’interaction. Les travaux de Prigogine sur les structures dissipatives ont montré que la vie émergeait non d’un ordre imposé, mais d’une auto-organisation au sein de ce qui semble être un déséquilibre mais qui en réalité représente une arborescence parfaitement construite et rationnelle dont tous les éléments interagissent les uns avec les autres dans une expansion permanente. Ainsi, la conscience originelle, loin de suivre un schéma prédéterminé, révèle une capacité intrinsèque d’innovation et d’adaptation.
Dans l’alchimie, cette conscience créatrice originelle trouve son écho dans la Prima Materia, cette substance première contenant toutes les potentialités. La transmutation alchimique, processus symbolique et spirituel, reflète une dynamique sans déterminisme, où chaque étape mène à une création nouvelle et imprévisible.
Les alchimistes, comme Basile Valentin ou Paracelse, décrivaient cette conscience sous forme de symboles : le feu intérieur, élément moteur, ou encore le Mercure, fluide et adaptable, illustrent cette énergie en perpétuelle transformation. La conscience originelle, telle que perçue dans l’alchimie, nourrit l’instinct de survie, non par contrainte, mais par une créativité constante qui réinvente la vie à chaque instant.
Sur le plan philosophique, la conscience créatrice originelle ouvre un champ de réflexion autour de la liberté. Spinoza, dans son Éthique, évoquait une puissance d’agir en harmonie avec les lois de la nature, sans subir les chaînes du déterminisme. L’être humain, grâce à sa capacité de réflexion, participe à cette dynamique créatrice en orientant ses pensées et ses actes.
Jean-Paul Sartre, dans L’Être et le Néant, introduit également l’idée d’un projet humain s’inscrivant dans une liberté radicale, mais non sans responsabilité. Cette liberté, guidée par l’instinct de survie et les lois d’interaction, invite à un équilibre entre création individuelle et perpétuation des espèces. Ainsi, chaque être incarne une parcelle de cette conscience universelle, chargée d’expérimenter et de croître sans suivre un chemin prédéfini.
Le libre-arbitre existe donc mais uniquement dans la conscience du respect des lois universelles d'interaction. C'est cela l'éveil véritable.
Les lois d’interaction, guidées par l’instinct de survie, témoignent d’un mouvement cosmique où la vie se perpétue et s’épanouit sans déterminisme. Cette conscience originelle, fluide et inventive, rappelle que chaque espèce, chaque être, participe à une œuvre collective.
La vision symbolique, historique, alchimique et philosophique de cette conscience éclaire un principe fondamental : l’univers ne se limite pas à une mécanique prédéfinie, mais se réinvente à travers la force créatrice présente en toutes choses. En citant Bergson : « L’univers n’est pas une chose, mais un devenir. »
Francis STUCK
Comments