L’erreur fondamentale de confondre le mental et la conscience trouve ses racines dans une méconnaissance des mécanismes intérieurs.
Cette faute intellectuelle de discernement constitue la cause formative à la plupart des conflits.
Le mental, outil du raisonnement et de l’analyse, agit comme un miroir limité aux reflets qu’il reçoit. La conscience, quant à elle, transcende ces limites en s’ouvrant aux dimensions subtiles et en connectant l’individu à des champs plus vastes d’expérience et de perception. Cette distinction se complexifie davantage lorsqu’elle s’applique aux égrégores, ces entités de conscience collective formées par les peuples et les civilisations.
Les peuples et civilisations se définissent par des égrégores, ou champs morphiques, rassemblant les aspirations, croyances et valeurs communes d’une communauté. René Guénon, dans Le Règne de la quantité et les signes des temps (1945), décrit l’égrégore comme une “forme-pensée collective”, générée par la convergence d’intentions et d’actions. Ce concept, issu de la tradition ésotérique, illustre la manière dont chaque culture façonne une conscience collective influençant le langage, les comportements et les visions du monde.
La finesse culturelle, telle qu’exprimée dans la civilisation française, reflète un égrégore porté par l’art, la philosophie et la réflexion nuancée. Les jeux de langage, riches de sous-entendus et de double sens, traduisent une conscience collective apte à jongler avec plusieurs niveaux d’interprétation. Cette richesse contraste avec des égrégores plus directs, souvent limités à des interprétations au premier degré.
Une maxime française célèbre l’illustre bien : “L’esprit subtil dépasse toujours l’esprit brut.”
Les civilisations, au fil des siècles, ont développé des niveaux de conscience collective différents selon leurs priorités culturelles, religieuses et sociales. Les dialogues entre ces civilisations révèlent souvent des incompréhensions liées à des approches divergentes du langage et de la réflexion. Par exemple, les dialogues entre penseurs des Lumières et leurs homologues étrangers ont fréquemment buté sur des interprétations trop littérales ou des incompréhensions des sous-entendus philosophiques.
Le XVIIIe siècle illustre parfaitement ce décalage. Voltaire, dans son Dictionnaire philosophique (1764), critique les systèmes rigides incapables de saisir la nuance et l’ironie, et défend un langage qui ouvre les perspectives au lieu de les enfermer. Cette capacité à jongler entre sérieux et légèreté a forgé un modèle culturel où la réflexion se double d’une esthétique du langage.
Cependant, comme le rappelle l’historien Marc Ferro, ces différences ont parfois transformé des échanges culturels en conflits. La subtilité perçue comme arrogance ou supériorité suscite des réactions d’incompréhension ou de rejet.
Dans une lecture alchimique, l’égrégore culturel se transmute à travers un processus de raffinement similaire à celui de la pierre philosophale. La culture agit comme un feu intérieur, purifiant les éléments bruts pour révéler l’essence lumineuse. La France, par ses siècles de contributions philosophiques, artistiques et littéraires, illustre ce processus alchimique. Les jeux d’esprit, l’humour à plusieurs niveaux et l’autodérision traduisent un raffinement culturel où le mental, guidé par une conscience collective élevée, transcende le simple discours.
L’écrivain et alchimiste Fulcanelli, dans Le Mystère des cathédrales (1926), évoque le langage comme une pierre angulaire de la transmutation : “Le mot juste éclaire l’esprit, comme l’or éclaire la matière.” Cette phrase souligne l’importance de la finesse et de la précision dans les échanges humains, à la fois individuels et collectifs.
L’humour, reflet de la conscience, met à l’épreuve la capacité de perception des niveaux subtils. Henri Bergson, dans Le Rire (1900), analyse l’humour comme un phénomène social exigeant un degré élevé d’intelligence et de sensibilité culturelle. Selon lui, l’incapacité à saisir l’humour révèle une rigidité mentale ou un blocage au niveau de la conscience collective.
Dans un dialogue entre individus ou peuples de niveaux de conscience différents, cette différence devient un point de tension. L’interprétation littérale ou l’incapacité à percevoir la nuance transforme souvent l’humour en malentendu. Une phrase célèbre de George Bernard Shaw résume cette difficulté : “La plus grande barrière entre les peuples réside dans la différence de leurs rires.”
Selon Henri BERGSON : “Rire avec l’autre exige une communion des consciences.”
La grande erreur de confondre le mental et la conscience se répercute dans les égrégores collectifs, influençant les échanges culturels et humains. Les civilisations dotées d’une conscience collective raffinée, comme la France, témoignent d’une richesse culturelle où l’humour et la subtilité jouent un rôle central. Cependant, ces niveaux de finesse, souvent perçus comme une agression ou une arrogance par des consciences plus littérales, exigent une prudence dans le dialogue.
Il faut parfois de nombreux siècles pour que des barbares deviennent des peuples pacifiques. Ainsi en va-t-il des anciens vikings sanguinaires qui aujourd'hui représentent l'exemplarité absolue des sociétés pacifiques.
Idem des Assassins, ces chevaliers musulmans ismaéliens qui aujourd'hui transmettent les valeurs du soufisme avec la pratique du Dikhr, la voie cardiaque alchimique. René GUENON l'avait bien compris en intégrant une communauté soufi au Caire à la fin de sa vie.
Rire de tout avec tout le monde ne devient possible que dans un espace de conscience partagé où la profondeur des égrégores s’aligne sur une compréhension commune. Jusqu’à ce point, comme le rappellent les anciens adages :
“La vérité éclaire, mais la conscience l’interprète.”
Francis Stuck
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